Boris - Feedbacker
Une pochette magnifiquement dramatique pour un album monumental. Feedbacker est tout simplement le meilleur album du groupe de Drone Metal Japonais Boris. Un seul morceau d'environ 45 minutes divisé en 5 parties. 5 parties hallucinantes, planantes, violentes, classieuses ... cet album est la quintessence de l'art du groupe, un p*tain de chef d'oeuvre qui débouche les orreiles des plus réticents ...
La première partie pose le décor, une ambiance éthérée, larsenant ses ondes au travers des murs. Wata (Guitare seule, mais quelle guitare!) et Takeshi (Basse et Guitare en même temps) font résonner leurs amplis tandis qu'Atsuo (Batterie), dans ces neuf premières minutes, reste introuvable. C'est annonciateur, comme si, par leurs guitares, le groupe déclarait "Bienvenue dans cet album, autant vous prévenir tout de suite, si ça s'appelle Feedbacker, c'est pas par hasard. Ca va enfoncer les baffles et faire trembler les murs ...". On s'attend à quelque chose de grand. La seconde partie, longue de 15 minutes, va mettre les pendules à l'heure ...
Souvent considérée comme la partie la plus importante de l'album, ce deuxième acte marque, déjà, l'apparition de la batterie lancinante d'Atsuo, qui bat la mesure tandis que plusieurs effets planants se font entendre au mileu des deux guitares qui sonnent comme 30. On ferme les yeux et on se laisse transporter par cette grandeur planante, sorte de Pink Floyd de la bonne période qui serait parti trente fois trop lentement ... puis, au fur et à mesure, on entend une petite wah-wah discrète qui prend un peu de place, qui s'incruste en quelque sorte, puis dans un grand feedback, un moment quasi-orgasmique. Le solo de Wata dans cet acte en vaut huit. Transcendant, magnifique, où enfin, la wah-wah sert à quelque chose ... et puis, alors que Wata aligne ses hurlements, le morceau se met à grossir, a prendre de l'ampleur pour finalement se calmer, tandis qu'Atsuo place quelques mots, pour brusquement être coupé par une explosion, et la batterie se fait plus lourde, le chant plus violent et, merveille transitionnelle ... le morceau éclate au début de la troisième scène de cet opéra drone ...
La rythmique change, c'est plus rock, plus hargneux, plus véner' en quelque sorte. Pendant 6 minutes, un solo effréné, la voix folle et la basse martelée de Takeshi, l'incursion d'un effet fuzz survolté, une partie centrale plus posée, plus rythmée, peut-être plus classique, avant de prendre son extase metallique dans le troisième tiers, incroyablement jouissif. Puis avec elle, c'est l'apocalypse, tout explose, tout se décompose, tout s'effondre dans la quatrième partie, comme si le trio s'était enfui en laissant sonner leur barda ... feedbacker ... 10 minutes de transe larsenique à l'arsenic sonore dévastateur. On se demande quand donc donnera-t-on signe de vie ... peut-être est-ce à ce moment là que Wata se meurt, comme sur la pochette? Qui sait? Rien que le bourdon incessant et hanté des amplis qui résonne, hurle à la mort ...
...feedbacker ...
Puis l'épilogue. Où, la tête retournée par le chaos précédant, on voit un retour à une sorte d'harmonie, une sorte de renouveau, le chaos laisse place au fur et à mesure de ce cinquième et ultime acte à une clôture d'album moins agressive, plus mélodieuse, comme le montre cette sympathique mélopée qui apparaît vers la fin de la fin, comme si, finalement, le voyage s'étant achevé, il sera toujours en mémoire, une note bienveillante qui termine cet album titanesque ...
Voilà donc ce qu'il retourne de cet album. Feedbacker est un accomplissement, un voyage au pays du drone. Le meilleur album de Boris? Sans doute. Si vous n'avez jamais écouté Boris, celui-ci est bon également pour commencer car il représente bien le son Boris, même si ils ont déjà fait plus facile d'accès, ce n'est pas leur plus dur (Flood (Qui reprend le concept du morceau long en plusieurs parties) a bien des trésors, mais il faut arriver au bout ... et Amplifier Worship est plus fat). Non, Feedbacker trouve le parfait équilibre entre le Boris plus facile d'accès (Pink et Smile par moments) et le Boris doomesque sludge des débuts. Un véritable bijou de musique ambiante, électrique, violente et lente, psychique ...